Pourquoi ce livre ?
Juillet 1978. Une loi est adoptée pour permettre aux personnes majeures placées durant leur enfance d’accéder à leur dossier administratif. En 1978 j’avais douze ans et j’étais bien loin de ces préoccupations-là. J’ignorais jusqu’à l’existence de ce texte de loi. Mon dossier se conjuguait alors au présent et je n’avais aucune envie de me retourner sur mon passé.
35 plus tard, j'ai éprouvé le besoin de plonger dans mes souvenirs, dans mon histoire. Témoigner, rendre compte de la vie du petit garçon que j’étais. Trouver un sens, s’il y en avait un, et peut-être guérir.
En février 2023, je décidai de franchir le pas, même si mes parents n’étaient déjà plus là pour éclairer les zones d’ombre. Je n’avais qu’à changer de lampe torche. C’est ce que je fis en consultant mon dossier, soigneusement conservé aux Archives Départementales.
Toute ma vie de 2 à 18 ans était là, dans mes mains : quelques pages noircies d’observations rédigées par les assistantes sociales de la Protection de l'Enfance, des rapports psychologiques, des lettres, des bulletins scolaires, des informations médicales.
Je retrouvai également trois photographies et quelques-uns de mes dessins. Les petits pompiers et les bonhommes informes avaient eu la vie dure...
Véritable boîte de Pandore, ce dossier avait ouvert tous les possibles en même temps qu’il avait fait rejaillir toutes mes peurs. Pour les affronter je décidai de retourner sur les lieux de mon enfance.
Ce voyage intérieur et extérieur me conduisit presque naturellement à l’écriture, moi qui suis plutôt habitué à capturer des images. Un an plus tard, l’ébauche de mon texte était prête...
La transformation en livre fut le fruit d’une rencontre. Plutôt cocasse ou un heureux hasard de la vie. C’est selon. J’avais terminé mon récit, mais quelque chose manquait, que je ne parvenais pas à identifier. J’en avais parlé autour de moi, partagé des brouillons avec des proches. On m’avait parfois conseillé, encouragé, mais ce sentiment ne me quittait pas.
Un jour, après la correction d’un numéro du mensuel toulousain BOUDU dont je suis un contributeur régulier, l’un des rédacteurs me parla du projet de récit de vie que menait la correctrice du magazine. Un récit à la croisée des genres et, à travers lui, l'histoire de son grand-père et de sa famille. Elle se posait des questions : son texte pouvait-il toucher des lecteurs au-delà de son cercle familial ? Ferait-il écho à d'autres histoires, à d'autres parcours, à d'autres familles ? Nous partagions les mêmes interrogations, les mêmes doutes aussi. Alors, nous nous sommes rencontrés. Nous avons lu nos tapuscrits respectifs et avons décidé de travailler ensemble.
Pour donner vie au livre, en fluidifier la lecture et « le mettre en roman », nous avons pris le parti d’humaniser les rapports des assistantes sociales. Ainsi, elles apparaissent comme des personnages là où nous n’avions d’elles que des notes manuscrites. Il nous a semblé capital de ne dénaturer aucun de leurs propos.
Voici la genèse de ce récit à plusieurs voix qui, je l’espère, dépassera le cadre de mon histoire personnelle, et incitera peut-être certains lecteurs à se lancer sur les traces de leur propre passé.